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'Le Grand Echiquier ' - Zbigniew Brzeziński

 

     

The Grand Chessboard: American Primacy and Its Geostrategic Imperatives

   
                   
                   

Zbigniew Brzeziński , né le 28 mars 1928 à Varsovie(en Pologne) et mort le 26 mai 2017 à Falls Church (Virginie), est un politologue américaind'origine polonaise.

Il a été conseiller à la sécurité nationale du président des États-Unis Jimmy Carter, de 1977à 1981. En tant que tel, il a été un artisan majeur de la politique étrangère de Washington, soutenant une politique plus agressive vis-à-vis de l'URSS, en rupture avec la Détenteantérieure, qui mettait l'accent à la fois sur le réarmement des États-Unis et l'utilisation des droits de l'homme contre Moscou. Il est resté, jusqu'à sa mort, un observateur écouté en matière de politique étrangère aux États-Unis.

Il promeut une géostratégie visant à assurer la domination des États-Unis sur la scène internationale, en isolant et affaiblissant tout acteur qui cherche à obtenir la domination sur l'Eurasie. L'analyse de l'auteur est centrée sur l'Asie centrale et le monde post-soviétique.

Monde

  • L'Eurasie est le pivot du monde, et doit à ce titre être dominée par les États-Unis, qui doivent identifier les pays ou dirigeants susceptibles de provoquer une modification des rapports de force afin de les coopter ou de les contrôler.
  • Pour les États-Unis, le pire scénario est celui d'une grande coalition entre la Chine, la Russie et peut-être l'Iran. Dans un tel cas, la Chine serait plus probablement le leader, et la Russie un suiveur.
  • Les États-Unis doivent également se méfier d'un « grand réalignement européen », à savoir une collusion entre l'Allemagne et la Russie, ou entre la France et la Russie.

Europe

  • L'Union européenne « ne peut devenir un État-nation, du fait de la ténacité des diverses traditions nationales, mais elle peut devenir une entité qui, par des institutions politiques communes, reflète des valeurs démocratiques communes ».
  • L'Organisation du traité de l'Atlantique nord est « le principal lien entre l'Amérique et l'Europe », et « assure le principal mécanisme d'exercice de l'influence américaine sur les affaires européennes », ainsi qu'elle justifie la présence du pays sur le sol européen. L'unité européenne obligerait l'OTAN à devenir un partenariat égal, et non plus une alliance avec un pouvoir hégémonique et des vassaux.
  • Le Royaume-Uni est un pays « très important », mais n'est pas un joueur géostratégiquement majeur ou actif de l'échiquier eurasien. Cela est dû à trois facteurs : d'abord, son déclin depuis la Première guerre mondiale l'empêche de jouer son ancien rôle d'arbitre de l'Europe ; ensuite, le pays a décidé de ne pas être un membre constructif de l'Union européenne, ce qui l'isole ; enfin, du fait de son attachement à l'idée d'une relation spéciale avec les États-Unis, le Royaume-Uni se repose sur son partenaire atlantique et est ainsi devenu de son propre vouloir « insignifiant ». Le pays est donc maintenant un allié loyal, une base militaire américaine vitale, et un partenaire majeur dans le domaine du renseignement.
  • La France est un des cinq joueurs principaux de l'échiquier eurasien. Elle souhaite créer une Europe différente de celle souhaitée par l'Allemagne, avec une moindre importance américaine. Afin de compenser sa faiblesse sur l'échiquier, elle met en concurrence le Royaume-Uni et l'Allemagne, et parfois, la Russie et les États-Unis. La France cherche à jouer un rôle de noyau décisionnel dans le cadre de la coopération avec l'Afrique du Nord. La possession de la bombe atomique par la France et son siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies lui assurent une importance mondiale. Afin de ne pas laisser l'Allemagne être la puissance dominante de l'Europe, la France a incité l'Allemagne à rejoindre l'Union européenne et la zone euro, où elle ne dispose plus que d'une voix parmi d'autres ; après la réunification de l'Allemagne, la France a à nouveau rejoint le commandement de l'OTAN afin d'y peser plus face à l'Allemagne dans les questions européennes.
  • L'Allemagne est un des cinq joueurs principaux de l'échiquier eurasien. De plus en plus consciente de son rôle à part en Europe du fait de son poids économique, elle souhaite fidéliser l'Europe centrale. Elle dispose théoriquement de la possibilité de nouer un partenariat puissant avec la Russie, du fait de sa géographie. Les États-Unis préfèrent un leadership allemand plutôt que français sur l'Europe, mais cela a pour conséquence d'inciter la France à se tourner vers la Russie et le Royaume-Uni pour contrebalancer l'Allemagne.
  • La Pologne est trop faible pour être un joueur géostratégique, et sa seule option pour peser est de s'intégrer à l'Occident. Si l'Allemagne souhaite se projeter vers l'Europe de l'Est, elle doit courtiser la Pologne, qui lui ouvre l'accès aux États baltes, à l'Ukraine et au Bélarus.
  • L'Ukraine est un des principaux pivots géopolitiques de l'échiquier eurasien, car « sans l'Ukraine [sous sa domination], la Russie cesse d'être un empire eurasien » ; la Russie pourrait chercher à obtenir un statut impérial sans contrôler l'Ukraine, mais serait alors réduite à un empire asiatique. Le contrôle de l'Ukraine est important, car il s'agit d'une région riche, qui permet d'utiliser la mer Noire librement, et notamment de commercer avec la mer Méditerranée sans partage. Si l'Ukraine venait à perdre son indépendance, la Pologne hériterait de son statut de pivot géopolitique et frontière de l'Europe à l'Est.
  • La Russie est le principal pays qui occupe la zone centrale de l'Eurasie. Son endiguement est nécessaire à la préservation de la domination américaine dès lors que la Russie ne devient pas démocratique et continue de chercher à atteindre une domination internationale

Asie du sud-est

  • Le Japon est « essentiellement un protectorat américain », permettant aux États-Unis de ceinturer le Pacifique. Il s'agit d'un pays « très important », mais ce n'est pas un joueur géostratégiquement majeur ou actif de l'échiquier eurasien. La relation bilatérale avec le pays est la plus importante de toutes pour les États-Unis. Le pays a un potentiel géopolitique important, mais rechigne à une domination régionale. Afin de ne pas réveiller le dragon endormi, l'Amérique doit « très subtilement cultiver » la mentalité japonaise de la retenue sur la scène internationale. En l'état actuel des choses, les Forces navales japonaises d'autodéfense sont une « extension de la présence militaire américaine dans la région ».
  • La Chine est l'un des joueurs principaux de l'échiquier eurasien. Puissance régionale, elle va nourrir des ambitions internationales, qui passeront par la résolution de la question du statut de Taïwan. La Chine va aussi s'intéresser aux pays désormais indépendants de l'ex-URSS qui se trouvent à sa frontière occidentale, ce qui nourrira des tensions avec la Russie. Les États-Unis peuvent l'intégrer à l'ordre économique libéral international afin qu'elle s'enrichisse et se libéralise, mais le pari est risqué, car la Chine pourrait devenir plus puissante tout en conservant son système non-démocratique.
  • La Corée du Sud est l'un des principaux pivots géopolitiques de l'échiquier eurasien. Allié des États-Unis, le pays lui permet de stationner des militaires pour fermer l'Eurasie, ce qui réduit le poids militaire américain au Japon et ainsi réduit les velléités indépendantistes japonaises. Les États-Unis doivent veiller à ce que l'influence chinoise ne croisse pas.
  • La Corée du Nord est une zone-tampon utilisée par la Chine pour prévenir la réunification d'une Corée sous égide américaine. La Chine a tout intérêt à ce que, tant que la Corée du Sud reste proche des Américains, la Corée du Nord subsiste.
  • Taïwan peut devenir un pivot géopolitique si la Chine fait de sa reconquête un objectif stratégique. Une conquête de Taïwan par la Chine remettrait en cause la crédibilité américaine en Extrême Orient.

Asie centrale

  • L'Iran est un joueur majeur de l'échiquier eurasien, et est en même temps un pays géostratégiquement assez actif. Il contrôle en partie le Golfe persique. Les États-Unis ne doivent pas se poser comme l'antagoniste de l'Iran et la Chine à la fois. S'allier avec l'Iran permettrait de faire baisser la pression sur l'Azerbaïdjan, pays clef pour l'acheminement des ressources de la mer Caspienne vers l'Occident.
  • Le Kazakhstan va progressivement craindre la sinisation de son pays, et devrait se tourner vers la Russie pour préserver sa dimension slave. Dans ce cas, le Kirghizistan et le Tadjikistan tomberont en même temps dans la sphère d'influence de Moscou.
  • Les États-Unis doivent continuer de participer aux organisations multilatérales du Pacifique pour s'immiscer dans le grand jeu de la région.

Asie du sud

  • L'Inde est l'un des cinq joueurs principaux de l'échiquier eurasien. Puissance régionale récente, elle pourrait se projeter au niveau mondial dans le futur. Il s'agit du plus puissant État de l'Asie du Sud. Le pays est moins susceptible que la Chine et la Russie de poser un problème aux intérêts américains.
  • Le Pakistan doit être soutenu dans son influence sur l'Afghanistan, car cela permet de désenclaver le Turkménistan et de faire transiter ses ressources par la mer d'Arabie
  • L'Indonésie est le plus important pays d'Asie du Sud-est, mais sa capacité à projeter son influence hors de ses frontières est faible, du fait de son économie sous-développée. Le pays risque d'être retenu par ses conflits ethniques potentiels, l'incertitude politique, et sa géographie éclatée. L'Indonésie pourrait devenir un obstacle à l'expansion de l'influence chinoise vers le Sud ; l'Australie l'a compris et cherche à coopérer plus avant avec l'Indonésie à ce titre.

Caucase

  • La Turquie est un joueur majeur de l'échiquier eurasien, et est en même temps un pays géostratégiquement assez actif. Il est important en ce qu'il contrôle l'accès à la mer Noire, et peut donc empêcher la projection russe en Méditerranée. Elle assure une alternative au fondamentalisme islamique. Tant que les islamistes ne prennent pas le contrôle du pays, et qu'il reste une tête de pont de la modernisation à l'occidentale, les États-Unis doivent encourager son adhésion à l'UE.
  • L'Azerbaïdjan est un des principaux pivots géopolitiques de l'échiquier eurasien. Si le pays est petit, il dispose de ressources énergétiques importantes. Il est le bouchon qui scelle les richesses de la mer Caspienne et de l'Asie centrale. Si la Russie contrôle l'Azerbaïdjan, alors l'indépendance de l'Asie centrale n'a plus aucun intérêt. Un Azerbaïdjan indépendant est nécessaire pour faire passer des pipelines transportant des hydrocarbures en Occident.
  • L'indépendance de l'Arménie, de la Géorgie et de l'Azerbaïdjan a rendu la zone faible et en proie aux manœuvres d'influence turques

Afrique et Moyen-Orient

  • Les États-Unis gagnent à maintenir des bases militaires dans le Moyen-Orient, qui se situe au Sud de l'Eurasie et est donc un pivot géopolitique.
  • L'Afrique du Nord et le flanc sud de la Méditerranée sont des zones instables. Les États-Unis doivent laisser la France jouer le rôle d'ordonnateur dans cette zone, car « sans le sens des responsabilités de la France, le flanc sud de l'Europe serait bien plus instable et menaçant ».